La France se classe parmi les dix premiers consommateurs mondiaux de médicaments et occupe la première place en Europe. Actuellement, plus de 3 000 médicaments destinés à l'homme et 300 médicaments vétérinaires sont disponibles sur le marché français.
Molécules biologiquement actives et très répandues
Les médicaments sont des molécules fabriquées pour être biologiquement très actives. Elles appartiennent à des familles de structures chimiques très diverses, notamment :
- Agents antibiotiques
- Agents anti-inflammatoires non stéroïdiens
- Agents cardiovasculaires
- Agents conservateurs (présents dans les produits de soin, ou les produits sans rinçage)
- Agents neuroleptiques
- Stérols et stéroïdes (hormones à usage humain ou animal)
- Agents pharmaceutiques divers.
Trois principales voies de pollution
Tout comme les pesticides, les médicaments, qu'ils soient destinés à un usage humain ou animal, peuvent être rejetés dans l'environnement par trois voies principales de pollution :
- La pollution accidentelle
- Le stockage de déchets
- Les traitements thérapeutiques via les excrétions.
Résidus de médicaments dans les eaux
Face à l'émergence de cette problématique, un plan national sur les résidus de médicaments dans les eaux (PNRM) a été mis en place entre 2010 et 2015. Cette démarche s'inscrit dans une stratégie globale visant à réduire les pollutions des milieux aquatiques par les micropolluants, conformément aux objectifs fixés par le Grenelle Environnement.
Le plan s'articule autour de trois axes principaux :
- Évaluer les risques (campagnes de mesure dans les eaux, les sols et les rejets des stations d'épuration).
- Définir des mesures de gestion à court terme.
- Développer les connaissances sur le sujet.
Cette étude a notamment abouti à une décision d’exécution publiée le 20 mars 2015 (2015/495) qui établit une liste de vigilance relative aux substances soumises à surveillance à l’échelle de l’Union européenne dans le domaine de la politique de l’eau conformément à la directive 2008/105/CE du Parlement européen et du Conseil.
Cette liste concerne 11 molécules ou familles de molécules :
Par ailleurs, l'avis relatif aux limites de quantification des couples « paramètre-matrice » pour l'agrément des laboratoires effectuant des analyses dans le domaine de l'eau et des milieux aquatiques a été modifié pour intégrer une liste de résidus médicamenteux.
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Méthode d'analyse des résidus médicamenteux
Concernant les méthodes d'analyse, une norme a été mise en place en France, spécifiant une liste de 26 molécules : XP T 90-223, qui concerne le dosage de certains résidus médicamenteux dans la fraction dissoute des eaux. Cette méthode utilise l'extraction en phase solide et l'analyse par chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS).
CTC est accrédité COFRAC pour cette méthode interne adaptée, spécifiquement pour les eaux douces.
Le principe d’analyse est basé sur l’injection directe d’un échantillon après filtration en LC/MS/MS.
LC = chromatographie liquide : séparation des molécules entrainées par une phase liquide (solvants) sur une phase stationnaire solide appelée colonne chromatographique.
Après séparation, les molécules sont ionisées via l’interface electrospray (ESI) et entrent dans un premier spectromètre de masse (MS).
Un ion est sélectionné dans ce 1ᵉʳ spectromètre de masse, puis fragmenté dans la cellule de collision. La deuxième spectrométrie de masse sert à suivre les fragments ainsi générés sur un spectre de masse.
Résultats d'études CTC sur les rejets médicamenteux
Dans le cadre d’un travail en lien avec les instances réglementaires, nous avons recherché, dans 94 échantillons d’origine différente, la présence de résidus médicamenteux (30% d’eau douce et 70% d’eau résiduaire). Au final, 61 des 70 molécules recherchées ont été retrouvées au moins une fois.
Le composé le plus souvent détecté est la cotinine, classé comme agent pharmaceutique divers et marqueur anthropique du tabagisme. Les trois suivants sont la metformine (agent pharmaceutique divers antidiabétique), niflumique acid et paracétamol (agent anti-inflammatoire).
Par catégorie, toute matrice confondue, on constate que 25% du nombre de détections concerne les agents anti-inflammatoires. À l’autre extrémité, seules 3% des détections concernent des stéroïdes et les agents conservateurs.
Le niveau de concentration maximale dans les eaux douces reste inférieur à 1 µg/L.
En revanche, sur la matrice eaux résiduaires regroupant les effluents industriels et les effluents de station d’épuration, sur les 20 molécules les plus souvent détectées, la concentration en metformine est la plus élevée (700 µg/l) ; viennent ensuite l’érythromycine et le paracétamol.
À noter que l’oxazépam a été détecté une quarantaine de fois (sur 68 échantillons). C’est un agent neuroleptique et également produit de métabolisation du lorazepam et diazepam autres agents neuroleptiques. Ce qui laisse à penser qu’il y a un grand nombre de consommateurs en France.
Comparaison taux d’occurrence ER / rang de vente (2013)
Nous avions profité de ce travail pour comparer les occurrences des molécules détectées et la liste des 30 substances actives les plus vendues en France en ville (source ANSM, 2013).
Ainsi, le paracétamol est détecté une cinquantaine de fois dans les eaux résiduaires et constitue la première substance active vendue.
En revanche, l’aspirine (ou acide acétylsalicylique) n’a jamais été détecté, alors qu’elle est au 7ᵉ rang des ventes. Il n’y a donc pas forcément de corrélation établie. La persistance de ces molécules dans l’environnement dépend de leur stabilité ou durée de demi-vie en milieu naturel.
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