Haut de page
TwitterYoutubeLinkedinScoop.It!FacebookVersion imprimable

Exosquelettes : sont-ils adaptés aux métiers de notre filière ?

Publié dans Innovation Recherche & Développement le 01/03/2018 par Jérôme Darragon
C’est pour répondre à cette question que CTC a réalisé de nombreux essais depuis 2015, aussi bien en tannerie, qu'en chaussure et en maroquinerie. Nous avons testé des équipements permettant soit d’alléger les charges, soit de soulager le dos ou les épaules. À chaque fois, nous avons vérifié si l’opérateur était effectivement soulagé et s’il pouvait exercer son travail normalement, sans contraintes physiques supplémentaires.

Les équipements dont nous parlons dans cet article concernent ceux qui sont portés par l’opérateur et non pas des systèmes d’assistance au travail manuel comme la potence à sandows (voir "CTC entreprise", juin 2017, p. 10-12) ou le poste d’assistance au filetage ou au retournage des coutures (voir "CTC Entreprise", avril 2016, p. 10-13). Les postes de travail que nous avons identifiés sont donc très généralement des postes de manutention ou de chargement/déchargement de machines. D’autre part, tous les équipements testés sont passifs, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas électriques, mais possèdent seulement des mécanismes à ressort ou un textile élastique. En effet, pour des raisons de faisabilité économique, nous nous sommes limités à des solutions ne dépassant pas les 8 000 €HT.

 

Conditions des essais

À noter qu’un système d’assistance au travail manuel et a fortiori un exosquelette (que l’on porte sur soi) ne se teste pas comme une simple machine, et que l’implication des opérateurs est fondamentale. Il est très important de les informer préalablement de l’utilité de ces essais (pour eux et pour l’entreprise) et d’identifier ceux qui en auraient le plus besoin, à condition bien sûr qu’ils soient volontaires. Ce sont les personnes ayant déjà des douleurs qui apprécieront (ou non) le soulagement apporté. Ils seront les plus constructifs et seront prêts à changer leurs habitudes.

 

Aide à la manutention

Descriptif du modèle Worker de la société Exhauss

À l’origine, cet équipement a été développé pour soulager les caméramen portant à bout de bras leur stabilisateur de caméra. Le modèle Worker est composé de deux bras dit "isoélastiques" au bout desquels une sangle permet à l’opérateur de glisser sa main ou son poignet. À l’intérieur de chacun de ces bras, un ressort réglable (jusqu’à 8 kg) exerce une force de levée permettant de compenser la charge. L’ajustement de la force de soutien s’effectue à l’aide d’une molette placée au-dessus de l’épaule. Le harnais est composé de deux bretelles et d’une ceinture semi-rigide permettant de répartir le poids de l’équipement (8,5 kg quand même !) à la fois sur les épaules et sur les hanches de l’opérateur. 
Le modèle testé (à partir de 2015) ne comportait pas de système de blocage des bras ; un modèle plus récent permet maintenant de bloquer le ressort lorsqu’aucune charge n’est portée. 

 

Modèle Worker - ExhaussModèle Worker - Exhauss

 

Résultats des essais

Cet exosquelette a été évalué dans plusieurs tanneries (Haas, Annonay et Roux), sur des postes de tri (peaux brute ou wet-blue), d’établissage (sortie de tannage ou de teinture) ou de chargement/déchargement d’un convoyeur aérien de sèche. Mais aussi chez un fabricant de chaussures (Lemaitre Sécurité), dans un atelier d’injection pour la manipulation des moules et sur le site logistique pour la manipulation des cartons et leur mise sur palette.
Tout d’abord, la plupart des opérateurs apprécient immédiatement un soulagement au niveau des trapèzes et des bras. Le poids de l’ensemble ne les gêne pas à condition de garder le dos droit, ils marchent comme avec un sac à dos. Les charges manipulées variaient de 2 à 15 kg (pour les peaux brutes), les réglages optimums des ressorts se situent entre 1 et 3 kg en raison de l’absence d’un système de blocage. Nous avons constaté qu’une compensation partielle du poids, même de 40 %, apportait un réel confort à l’opérateur. 

Les postures "penchées en avant " sont à éviter en raison de l’effet d’entraînement de la charge vers l’avant. Et le travail bras en l’air n’est pas adapté parce que l’équilibrage de la charge n'est efficace qu’à hauteur du buste. Dès que les mains se lèvent au-dessus des épaules, la force de soutien diminue fortement (cas de la palettisation ou de l’accrochage des peaux sur convoyeur aérien). Il est donc préférable que les opérations de prise ou de dépose se fassent à la hauteur du bassin de l’opérateur. 
L’inertie des bras peut aussi être un handicap pour établir les peaux sur des chevalets, en raison de la vitesse d’exécution du geste. Cet équipement est donc adapté dans nos métiers, uniquement à des ports de charge à une hauteur relativement constante et dans un environnement qui ne soit pas trop exiguë. 

 

Soulagement du dos 

Descriptif de l’EXO IP 13 modèle Laevo de la société Gobio Robot (photo illustrant l'article)


Ce harnais permet de soulager le dos lorsque l’opérateur se penche vers l’avant, un dispositif astucieux permet de transférer une partie de la charge sur le dessus des cuisses. Il réduit donc le poids de la partie haute du corps et, par conséquent, la pression sur le bas du dos notamment les dorsales. Ce harnais a aussi un rôle pédagogique. En effet, il incite l’opérateur à maintenir son dos droit et à plier ses genoux quand il se baisse au niveau du sol.

Un plastron placé sur le plexus est relié à deux tiges en acier articulées chacune sur une came à ressort (placée de chaque côté du bassin), qui transmet l’effort à deux palettes prenant appui sur les cuisses de l’opérateur. Ce dispositif a l’avantage d’être léger et facile à enfiler. Par contre, le modèle testé n’était pas réglable. Les harnais testés ont donc été fabriqués sur mesure en fonction de la morphologie et du poids des opérateurs. 
Un compteur mécanique permet de connaître le nombre de flexions effectué et ainsi de prévoir les opérations de maintenance.

 

Résultats des essais en tannerie

Cet exosquelette a été évalué à la tannerie Haas sur les deux postes de cadrage manuel et sur une metteuse au vent.
Sur le poste de cadrage, les opérateurs se penchent en avant pour placer les pinces au milieu du convoyeur et lors de l’établissage des peaux sur chevalet. Idem pour la mise au vent, avec en plus une position penchée en avant lors de la reprise de la peau avant son retournement. 

Ce harnais n'est utile que pour les postures fortement penchées en avant, au-delà de 30°. D’autre part, il est essentiel qu’il soit correctement ajusté pour être pleinement efficace. 
Sur les trois opérateurs, un seul a pu l’utiliser régulièrement, à condition de ne pas dépasser les deux heures d’utilisation. Au-delà, l’opérateur du poste de cadrage ne supportait plus le contact du plastron, en raison de la chaleur excessive du poste. Les deux autres opérateurs ont dans un premier temps apprécié le soutien au niveau du dos mais ils ont été finalement trop gênés par le contact des tiges au niveau de l’aine (lors des mouvements de torsion causés par l’établissage des peaux) et par le contact des boîtiers à came sur la hanche. 
À noter que les palettes avaient tendance à glisser sur le côté lors des mouvements de torsion. Nous avons aussi constaté que, pour monter sur une estrade ou pour gravir un escalier, il est préférable de faire glisser les palettes sur le côté, ce qui se fait très facilement.

Ce harnais Laevo est donc apprécié pour les postures fortement penchées en avant et dans son utilisation il est préférable d’éviter les mouvements rapides de torsion du bassin. À notre connaissance, il a été testé avec succès dans un entrepôt logistique d’un fabricant de chaussures français. 

 

Descriptif du harnais Corfor distribué par Protet’Homs

Ce dispositif est de loin le plus simple et le moins onéreux (moins de 150 €), il est constitué d’un harnais et de deux genouillères reliés par deux sangles élastiques qui passent derrière les cuisses et de chaque côté du dos. Deux boucles permettent d’affiner le réglage mais celui-ci est très limité. Les harnais doivent être commandés en fonction de la taille et du poids des opérateurs. Huit tailles sont disponibles (pas de 3 cm) 
de 1,61 m à 1,92 m. À noter qu’il s’agit d’un produit de conception et de fabrication française.
Le fournisseur précise que la réduction de l’effet de masse de l’objet soulevé peut aller jusqu’à 12 kg de bénéfice sur les lombaires. 

Corfor - Protet'Homs

Corfor - Protet'Homs

 

Résultats des essais en tannerie/mégisserie

Les premiers essais ont eu lieu à la Tannerie Haas sur des postes de triage wet-blue, déchargement de foulons de tannage, triage de peaux brutes, déchargement de coudreuses en rivière et d’écharneuse.
Globalement, les utilisateurs ont trouvé le harnais léger, confortable à porter et plus facile à mettre en œuvre que le harnais Laevo. Sur les postes de triage wet-blue, triage de peaux brutes et écharneuse, le harnais n’est pas d’une grande utilité car les opérateurs ne se penchent pas assez vers l’avant pour bénéficier de l’effet de maintien du dos. Par contre, sur les postes de déchargement de foulons de tannage et coudreuses en rivière, les opérateurs ont été très satisfaits en raison des postures extrêmes pour les lombaires (cas de l’établissage des peaux à plat). Ils en ressentent un bénéfice à la fin de l’opération de déchargement (qui dure une heure environ), en ayant moins de douleurs dans le bas du dos.
Toutefois, il faut absolument porter un vêtement sous le harnais (t-shirt à manches courtes au minimum, pas de débardeur) car avec l’humidité et la transpiration, les frottements du harnais directement sur la peau provoquent des irritations.

À ce jour, d’autres essais sont en cours chez deux mégissiers (Alric et Bodin-Joyeux) et un tanneur (Carriat), sur des postes d’établissage ou de prélèvement de peaux. Actuellement, les opérateurs qui utilisent les harnais n’avaient pas de douleur au dos avant les essais. Ils ont néanmoins accepté de les utiliser pour vérifier s’ils n’occasionnaient pas de gênes en particulier et si ces harnais pouvaient être des outils de prévention.

 

Soulagement des épaules lors du travail "bras en l’air"

Depuis plusieurs années, nous recherchons un équipement pouvant soulager les opérateurs qui effectuent l’accrochage des peaux en hauteur, sur convoyeurs aériens en tannerie ou sur crochets fixes en mégisserie. D’autres postes sont également concernés par cette problématique, à savoir les carrousels d’injection en chaussure.

Exo IP12 modèle Skel-ex - Gobio

Exo IP12 modèle Skel-ex - Gobio


Nous avons identifié notamment l’Exo IP12 modèle Skel-ex de chez Gobio mais actuellement il ne semble pas adapté pour effectuer des mouvements rapides et très fréquents de bas en haut et de haut en bas (trois allers/retours par minute). Néanmoins, le nouveau modèle 2018 devrait être adapté à nos besoins ; nous le testerons dès que possible.
Un autre produit, américain celui-là, l’eksoVest de chez Ekso, sera également testé en 2018. Nous vous tiendrons bien sûr informés des résultats des essais en cours et à venir.

L'utilisation de ces équipements "d'assistance au travail manuel" va certainement se généraliser, comme ce fut le cas avec les EPI, qui sont maintenant beaucoup mieux acceptés que par le passé. Cette démocratisation débouchera sur des produits plus performants, plus variés et moins onéreux. Les entreprises pourront alors déployer des actions de préventions des TMS plus importantes. CTC continue donc à mener une veille très active sur ces sujets.

 

Pour en savoir plus sur les exosquelettes, un site présente toute l’actualité sur ce sujet
http://exoskeletonreport.com

Contact   -   Mentions légales   -   C.G.V   -   R.G.P.D.   -   Gestion des cookies   -   Plan du site   -   © CTC - 2024
CTC Groupe - 4 rue Hermann Frenkel - 69367 Lyon Cedex 7, France